Du vieux.
Me voilà enfin face à toi, toi ma compagne d'ennui qui fut si longtemps oubliée et aujourd'hui retrouvée. Je ne sais pas si cette fois, nous pouvons fêter le retour de l'enfant fou et faire péter les bouchons de champagne dans les tronches livides des passants, alors disons simplement qu'il est sur le chemin du retour . Les Noctambules ont préparé un buffet digne de ce nom pour l'occasion, ont déversé haine, amour et mélancolie dans un immense vase. Celui ci pourra être bu, devra être lu. Il en vas de la vie d'un million de minuscules et immondes bestioles grouillant dans un crane cabossé. L'enfant fou le sait, et ne raterait pour rien au monde le macabre festin. Les silhouettes de velours des Noctambules lui manquent, elles ont un parfum doux et violent qu'aucune fleur ne peut égaler. Il court vers l'éden, son jardin de secrets et d'amertume, plus le vent gonfle ses poumons de voile et plus le chemin lui semble long et douloureux. C'est fatiguant d'être vivant.
Pourquoi avoir abandonné les mots? L'a-t-il vraiment décidé ? Je ne sais pas, une sorte de passivité végétale c'est abattue sur lui, comme une armure elle le protégeait, le détachait de toute émotion, de toute souffrance, de toute larme et par conséquent de tout mots.
Trêve de regrets, nous avons des mers de larmes et des cieux en sang à affronter. Il est temps de se sentir vivre, de quitter la camisole temporelle. Mon amour, si tu savais que ce sont tes mots, trouvés un soir au fond d'un tiroir qui m'ont réanimée, je pense que tu rirais, me cracherais à la gueule et t'en irais (n'est ce pas déjà fait?). Vieux loup, tu pourras poser quelques points véreux à ton ego. Ahah! Les autres amours ne sont rien en comparaison à la haine que je te porte! Je mettrai ton bras à couper pour contempler un peu ton théâtre de mensonges. Qu'il est bon d'avoir le mal de toi, le mal en soi. L'orage et le naufrage sont encore loin et pourtant la pluie me monte aux yeux. J'entends la foule rageuse des ombres chuchoter, elles se bousculent sur la paume de ma main. Elles émergent elles aussi. Réveillez vous! Secouez vos squelettes! Les morts savent encore danser, et nous vivants pouvons encore rire de leurs funeste rite. Réveillez vous! Ne me laissez pas seule le jour de mon retour, criez moi des mots qui grincent, hurlez moi des mots qui heurtent! Je veux sentir la vie derrière chacun de mes pas , voir le cirque dans chacune de vos têtes. Surprenez/Égarez moi.